Publication 7 octobre 2015

Plateformes et dynamiques concurrentielles

Auteur

  • Henri Isaac Président, Renaissance Numérique

Dans le cadre de la concertation sur le projet de loi numérique, le think tank a décrypté les logiques économiques et concurrentielles des plateformes Internet et leur développement. Cette note propose notamment une définition des plateformes, et revient sur des notions clés : les effets de réseaux, les écosystèmes d'affaires et l’environnement concurrentiel de ces acteurs.

Le développement des plateformes et les effets de réseaux

En l’espace de deux décennies, Internet s’est profondément transformé. Désormais, il ne se résume plus à un ensemble de sites Web. L’arrivée du haut-débit fixe a transformé le contenu de l’internet en offrant la possibilité à des millions de personnes de participer à sa création sous toutes les formes : blogs, vidéos, réseaux sociaux, sites contributifs, partage, etc. La progression très rapide des smartphones et des réseaux mobiles à haut débit a par la suite contribué à faire émerger d’autres applications, éloignées des premiers usages de l’Internet. Plus récemment, l’encastrement des technologies de réseau et applicatives dans les objets, ouvre une nouvelle ère de la digitalisation, tout comme les progrès en matière de traitement algorithmique des données.

La mise en réseau de l’information et des services produit des externalités positives – au sens économique. Dans le cadre de l’économie de l’information et des réseaux électroniques, on distingue des externalités positives, que l’on appelle les “effets de réseaux”. Ces derniers, de natures différentes mais complémentaires, peuvent être de cinq types : les effets de réseau directs, les effets de feedback positifs, les effets de réseau indirects, les effets de réseau croisés, et les effets de verrouillage. Ces effets de réseau sont la première caractéristique structurante des plateformes. Pour définir une plateforme, il faut toutefois que ces différents effets soient présents simultanément et que certains d’entre eux (effets croisés et effets indirects) soient clairement identifiés comme des leviers stratégiques par l’entreprise qui souhaite devenir une plateforme.

Une logique d’écosystème

Si une application mobile ou un site web peut déclencher des effets de réseaux, cela n’implique pas pour autant qu’ils deviennent une plateforme. Devenir une plateforme nécessite une stratégie volontariste et des décisions précises sur des éléments technologiques et de partage de la valeur entre les membres d’un écosystème. Le fonctionnement en écosystème constitue la deuxième composante essentielle à la définition des plateformes.

Chiffres clés

667 000

emplois ont été créés au sein de l’UE grâce à la contribution directe des plateformes mobiles

1 million

l’ont été grâce à leur contribution indirecte

Effets de réseau et jeu concurrentiel

Si les marchés à effets de réseau sont concentrés en termes de chiffre d’affaires, la configuration concurrentielle vers laquelle ils tendent n’est pas nécessairement le monopole. La compétition sur les marchés à effets de réseau prend généralement la forme d’un “oligopole à frange concurrentielle”, comme cela peut être le cas sur le marché de la distribution alimentaire ou de l’édition des livres.

Dans toute analyse concurrentielle, il est important de mesurer « l’intensité » des effets de réseau, soit leur influence sur la structure concurrentielle. Ces effets sont dits « puissants » ou « structurants » quand ils priment sur les autres facteurs qui règlent le jeu concurrentiel. Plus un bien ou un service comprend de dimensions créatrices de valeur, plus l’intensité des effets de réseau est faible, et son action peu structurante.

En outre, un acteur qui a pris l’ascendant sur un marché à effets de réseau a toutes les chances d’accentuer son avance : son offre devient de plus en plus désirable, à mesure qu’il compte de nouveaux utilisateurs. Cependant, la position acquise n’est pas garantie sur le long terme : en cas de faux-pas, les effets de réseau peuvent rapidement s’effriter et l’audience s’effondrer. Les coûts de migration vers un produit alternatif ont par ailleurs tendance à s’abaisser, du fait des évolutions technologiques récentes qui s’acheminent vers l’interopérabilité.

La principale menace pour les acteurs dominants sur ces marchés réside dans l’émergence d’innovateurs bousculant et renouvelant les usages. Dans le secteur numérique, les effets de réseau ne sont souvent qu’un facteur d’une dynamique cumulative où se combinent d’autres effets, tels que les économies d’échelle, les effets de réputation, les effets d’expérience et les effets d’apprentissage liés aux usages.

“Dans toute analyse concurrentielle, il est important de mesurer « l’intensité » des effets de réseau, soit leur influence sur la structure concurrentielle. Ces effets sont dits « puissants » ou « structurants » quand ils priment sur les autres facteurs qui règlent le jeu concurrentiel. Plus un bien ou un service comprend de dimensions créatrices de valeur, plus l’intensité des effets de réseau est faible, et son action peu structurante.”

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