Publication 11 mai 2020

Réguler les plateformes numériques : Pourquoi ? Comment ?

Auteurs

  • Jennyfer Chrétien Déléguée générale, Renaissance Numérique

  • Henri Isaac Président, Renaissance Numérique

Alors que le débat sur la régulation des plateformes numériques n’a jamais été aussi vif en France et en Europe avec la future discussion sur le Digital Services Act, Renaissance Numérique invite les régulateurs et les législateurs européens à intégrer les nouvelles caractéristiques des plateformes numériques - objets dynamiques, hétérogènes et technologiques - et à ne pas ignorer le rôle des utilisateurs dans cette régulation.

L’objectif du droit de la concurrence n’est pas de faire émerger des champions numériques

S’il apparaît nécessaire d’améliorer le droit de la concurrence, il est important de ne pas le dévoyer. À ce titre, plusieurs pistes doivent être explorées. L’accumulation des données, par exemple, pourrait être considérée comme une barrière à l’entrée sur un marché. Dès lors, imposer l’interopérabilité entre les plateformes numériques favoriserait la concurrence. Mais l’interopérabilité n’est pas suffisante, per se, pour atteindre l’objectif concurrentiel. Ce sont plutôt les compétences et les moyens mis en œuvre par les plateformes qui leur confèrent un avantage concurrentiel.

La régulation de ces plateformes doit par ailleurs intégrer le fait que ces acteurs posent des problèmes qui vont au-delà du champ économique et de la concurrence : ils peuvent générer des externalités négatives et soulever des enjeux dans le champ sociétal et politique.

Les principaux enjeux de régulation des plateformes numériques

Une volonté forte du législateur est nécessaire

Les asymétries informationnelles des plateformes numériques pourraient être levées en leur imposant un accès à leurs données et/ou à certains algorithmes jugés centraux. Cela permettrait de mettre en œuvre une régulation en temps réel et non ex post – comme c’est le cas aujourd’hui où le temps des décisions amoindrit leur effectivité.

Cela permettrait également de résoudre les limites d’une régulation ex ante, étant donnée l’imprévisibilité des innovations et usages de ces technologies. Cependant, cette approche nécessite un renforcement des moyens et des compétences des régulateurs.

Pour une définition robuste et partagée des “plateformes structurantes”

Sans proposition précise, la construction juridique pour réguler les “plateformes structurantes” s’avère fragile. Cette définition devrait inclure l’ensemble des dimensions des plateformes numériques (plusieurs faces, écosystème, infrastructure technologique) et préciser les externalités négatives – hors champ économique – qui les différencient des autres acteurs économiques.

La régulation de ces plateformes pourrait s’apparenter à une supervision de type prudentielle telle qu’elle existe sur les marchés financiers. Leurs flux financiers sont majoritairement des flux publicitaires en temps réel, observables à partir d’API que pourrait imposer le régulateur.

Les grandes catégories de plateformes numériques

Les utilisateurs doivent être intégrés dans la régulation

Les utilisateurs des plateformes numériques contribuent grandement à la création de valeur sur ces dernières. Dès lors, ils devraient être intégrés dans leur régulation.

À cet égard, la régulation des plateformes numériques pourrait reposer sur deux approches complémentaires. La première serait de leur imposer la représentation des utilisateurs dans leurs organes de gouvernance et de décision. La deuxième serait de « plateformiser » le régulateur, en faisant participer les utilisateurs à la régulation via une plateforme numérique, et en construisant des outils adéquats (indicateurs, algorithmes, etc.).


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