Publication 23 septembre 2014

D’un système de santé curatif à un modèle préventif grâce aux outils numériques

16 propositions pour un changement de paradigme des politiques de santé

Auteur

  • Henri Isaac Chargé de mission « transformation numérique », Université Paris Dauphine

Partant du constat des changements radicaux qu’insuffle le marché de la e-Santé dans le secteur de la santé, et de la crise structurelle que traverse le régime de la Sécurité sociale, Renaissance Numérique formule dans ce rapport seize propositions pour un changement de paradigme des politiques de santé publique.

La e-santé permet la transition de notre système de santé vers un paradigme plus préventif

Deux tendances actuelles poussent notre système de santé vers le paradigme préventif :

  • la progression rapide des services de e-Santé, qui permet une prise en charge en mobilité et de façon plus autonome ;
  • et l’émergence de la préoccupation du bien-être, qui permet de passer à une posture active et responsable du patient.

Ces tendances se conjuguent, et les outils numériques de gestion de santé proposent au plus grand nombre de suivre l’évolution de leur santé et leurs performances physiques pour prendre en main leur santé. Ainsi, les nouveaux usages en matière de santé et de bien-être décuplent la masse de données de santé transmise aux acteurs publics et privés. Ce volume de données permet de mettre en place des technologies Big Data dans le domaine de la santé.

Le Big Data promet de révolutionner la manière dont la médecine est pratiquée et les politiques de santé orientées. En effet, la connaissance extrêmement fine de l’individu, rendue possible grâce au traitement de ses données de santé, permet de mettre en place de nouvelles corrélations, et d’établir des modèles prédictifs.

Pour les acteurs publics, les professionnels de santé et les acteurs privés, cette connaissance, jamais égalée, représente un formidable levier vers une médecine préventive. Elle pose toutefois de nombreux enjeux éthiques, notamment en matière de respect de la vie privée et de secret médical.

CHIFFRE CLÉ

62 %

des Français sont prêts à utiliser des capteurs et autres objets connectés pour prévenir leurs risques de santé

Les contours d’un système de santé préventif grâce au numérique

Les outils numériques permettant le suivi à distance des individus sont des atouts majeurs de la médecine préventive, particulièrement adaptés à l’accompagnement des personnes atteintes de maladies chroniques ou des publics fragiles. Trois des avantages des dispositifs de suivi à distance sont :

  • le confort du patient, qui peut se soigner à domicile ;
  • l’efficacité du traitement, du fait d’une meilleure observance ;
  • et la réduction importante du coût des soins, en évitant l’hospitalisation et réduisant les risques de rechute.

La médecine personnalisée, permise par les outils numériques, repose sur l’émergence de deux facteurs : une meilleure connaissance de nos comportements quotidiens et de nos données biologiques. Cette connaissance est possible grâce aux technologies Big Data, capables d’analyser des milliards de données. Cependant, la médecine personnalisée pose de nombreuses questions, allant de la technique à l’éthique.

Alexis Normand

Responsable du développement des activités santé, Withings

« Pour le matériel non médical destiné au grand public ou pour le suivi par des professionnels de santé (bracelets connectés, pèse-personne connectés), tout l’enjeu consiste à convaincre de la fiabilité et de la sécurité des données en l’absence de label existant. »

Par ailleurs, ces technologies permettent un gain d’efficacité et donc une réduction importante du coût des politiques de santé publique. L’open data est une avancée majeure pour la mise en place des bases de données de santé massives et pertinentes. Ces progrès reposent sur la capacité à mettre en place des modèles corrélatifs et prédictifs, dont il convient aussi d’interroger les limites. Ces technologies Big Data permettent aussi de repérer et prévenir efficacement les fraudes à la Sécurité sociale.

Enfin, l’entreprise est un nouvel acteur clé du système de prévention. Elle peut jouer un rôle majeur dans l’accompagnement de la transition du système de santé vers un modèle préventif. Pour cela, il serait intéressant de réévaluer la position et les fonctions de la médecine du travail. Cela doit se faire selon le respect des règles formulées sur la surveillance au travail, et de nouveaux garde-fous pour éviter des discriminations.

Les propositions de Renaissance Numérique

EXPLOITER PLEINEMENT LE POTENTIEL DE LA E-SANTÉ

Proposition n°1

Définir une méthodologie spécifique pour l’évaluation médico-économique des objets connectés et des applications mobiles permettant leur remboursement (application santé, dispositifs M2M et objets grands publics).

Proposition n°2

Renforcer les actions préventives au sein du système de santé public, en investissant sur les plateformes en ligne et applications de coaching visant au bien-être des individus.

Proposition n°3

Intégrer les acteurs de la e-santé aux discussions actuelles sur l’open data santé afin d’harmoniser dès à présent les protocoles de collecte et de stockage pour garantir une interopérabilité des données santé.

Proposition n°4

Permettre à la DNLF d’intégrer les dernières innovations en termes de machine learning et Big Data afin de rendre plus performant le système de lutte contre la fraude.

CONSTRUIRE UN CADRE ÉQUITABLE ET DE CONFIANCE POUR LA E-SANTÉ

Proposition n°5

Établir un système de labellisation des applications mobiles, des objets connectés santé et des dispositifs Machine to Machine (M2M) pour garantir leur fiabilité.

Proposition n°6

Afin de rendre effectif et équitable l’instauration des dispositifs de suivi à distance, nous recommandons à l’État de mettre en place un système de tiers de confiance : acteur chargé de transmettre de façon neutre et sécurisée les informations de santé entre le patient et le personnel médical. Ainsi, une délégation de service public à une entreprise privée peut être mise en place pour assurer ce service.

Proposition n°7

L’acteur public propose aux publics défavorisés des formations aux usages basiques du numérique et aux outils de quantified self.

Proposition n°8

Engager une concertation avec les acteurs publics, la CNIL, les acteurs privés du monde de l’assurance et les associations de patients pour déterminer jusqu’où les assurances peuvent aller dans l’établissement d’un bonus-malus santé qui risquerait sinon d’accroître les discriminations sans précédent entre les citoyens.

Proposition n°9

Il est important qu’un grand débat sur le futur de la médecine personnalisée menée par la CNIL, instance indépendante qui statue sur les questions liées aux données personnelles, en y associant le Comité national d’éthique et les acteurs publics, afin que soit pris en compte la problématique de l’égalité face au soin dans un tel paradigme.

Proposition n°10

Afin de faciliter le travail de l’assurance maladie dans la lutte contre la fraude, réexaminer aux côtés de la CNIL la possibilité de croiser des bases de données et d’élaborer des outils de data mining plus performants.

ASSURER LA TRANSITION NUMÉRIQUE DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ

Proposition n°11

Former les médecins au cours de leur parcours universitaire à la manipulation et prises en main des outils informatiques.

Proposition n°12

Repenser la formation des médecins du travail aujourd’hui dévalorisée, peu efficace et coûteuse.

PLACER DE NOUVEAUX ACTEURS AU COEUR DU NOUVEAU SYSTÈME PRÉVENTIF

Proposition n°13

Donner aux communautés de patients en ligne, selon des critères prédéfinis, la possibilité de s’instituer officiellement comme association de patients, acteur de la démocratie sanitaire.

Proposition n°14

Donner la possibilité aux représentants des communautés de patients de participer en ligne aux concertations publiques pour l’élaboration des politiques de santé.

Proposition n°15

Réaffirmer l’importance du bien-être dans la direction RSE des entreprises : les actions de prévention et de bien-être doivent être partie intégrante du bilan RSE de l’entreprise rendu public.

Proposition n°16

Revaloriser le rôle de la médecine du travail pour en faire un pilier des politiques de prévention santé mises en place au sein des environnements professionnels.


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