Publication 11 avril 2017

Contribution au plan d’action national pour une action publique transparente et collaborative

Renaissance Numérique contribue à la consultation menée par la mission Etalab visant à produire des engagements pour le prochain plan d'action national pour une action publique transparente et collaborative.

Cette contribution de Renaissance Numérique est issue des travaux du think tank, notamment menés en collaboration avec ses partenaires et avec une méthode participative inédite dans l’écosystème des think tanks :

  • Le Livre blanc « Démocratie mise-à-jour », publié en avril 2016 et réalisé dans le cadre d’un groupe de travail avec l’Institut Montaigne et le think tank Terra Nova. Ce livre blanc a été rédigé par Clément Mabi, enseignant et chercheur à l’UTC de Compiègne.
  • Le rapport « Démocratie : 25 propositions pour un réenchantement numérique », publié en février 2017 et réalisé dans le cadre d’un groupe de travail « citoyenneté numérique » avec la Fondation Jean Jaurès.

Thématique 1 : Rendre des comptes

Diagnostic : Malgré l’essor des mouvements Open Data directement lié aux avancées technologiques, la libération des données par les services publics peine à s’imposer comme une norme irrévocable de l’action publique. Afin d’accentuer la transparence et l’efficacité de l’action publique, il est nécessaire d’articuler un travail de sensibilisation des administrations et une impulsion politique et juridique. Voici des pistes concrètes pour que la libération des données par l’Etat acquière un sens politique plus fort et puisse devenir un outil de mise en capacité du citoyen.

Objectifs : Restaurer la confiance en rendant l’action publique plus transparente et efficace par la donnée ; Accompagner la libération des données ; Rendre les données publiques opérationnelles pour le citoyen.

Propositions :

  • Renforcer l’encadrement juridique de la mise à disposition des données publiques : Faire de la clause de mise à disposition des données la norme dans les contrats sous-traitant un marché public afin de contribuer à « ouvrir » le cadre normatif de l’action publique ;
  • Développer un statut d’administrateur des données à l’échelle régionale : Nommer dans chaque région, à l’échelle administrative du territoire, un administrateur des données ;
  • Former les agents de la fonction publique à l’ouverture des données publiques ;
  • Instituer des formations à la donnée pour les citoyens ;
  • Garantir les algorithmes ouverts ;
  • Garantir la transparence des budgets publics à 100 % ;
  • Garantir la transparence des patrimoines et élus ;
  • Assurer la transparence des agendas des élus : disponibles en ligne, accessibles à tous et actualisés.

Sources :

Thématique 2 : Consulter, concerter, co-produire

Diagnostic : La montée du populisme d’une part, et l’abstention civique d’autre part, confirment l’éloignement d’une large partie des citoyens vis-à-vis des pratiques électorales et démocratiques. Grâce au numérique, nous pouvons repenser la démocratie pour qu’elle ne se limite pas aux seules échéances électorales mais qu’elle devienne une réalité plus ancrée car plus partagée et plus proche des individus. La demande citoyenne est donc explicite : les dispositifs actuels doivent être améliorés, notamment sur le plan de la représentativité et de leur capacité contraignante. Par ailleurs, pour asseoir les bases d’une nouvelle République et intégrer toutes les modifications prônées par le think tank en faveur d’une démocratie plus ouverte, une réforme de la Constitution est nécessaire. Le défi de cette réforme : intégrer les citoyens pour la rédaction et le vote des propositions. Voici donc des propositions concrètes pour mettre en place des dispositifs qui contribuent à rapprocher le citoyen de l’action publique, à organiser l’implication des citoyens dans le processus législatif afin de renforcer la légitimité des lois, pour in fine tisser des relations de confiance entre institutions et administrés.

Objectifs : Accompagner la mobilisation de la société civile pour faire du citoyen un acteur continu de la démocratie par la participation ; La réforme participative et transparente de la Constitution par une assemblée mixte.

Propositions :

  • Institutionnaliser un dispositif de e-pétition contraignant ;
  • Mettre en place une plateforme participative de suivi de la fabrique des lois ;
  • Moderniser et rendre plus interactif les dispositifs de suivi de la loi actuels, notamment en refondant les pages des « Dossiers législatifs » des sites parlementaires ; La gouvernance directe des citoyens :
  • Systématiser le processus de co-construction des lois et politiques locales.
  • Les projets et propositions de lois faisant l’objet d’études d’impact ont vocation à intégrer ce nouveau dispositif de concertation citoyenne ;
  • Encourager l’instauration de budgets participatifs : dans toutes les collectivités territoriales, 2 % (2018/2020) puis 5 % (après 2020) du budget voté par les citoyens ; La gouvernance mixte : le citoyen, pour évaluer et proposer ;
  • Faire comporter dans la rédaction de la loi, des critères d’évaluation qui permettront de déterminer de leur bonne mise en œuvre, avec des objectifs à atteindre dans un calendrier donné. Une commission mixte élus/citoyens évalue l’application des lois déterminées et de ses effets. Leur rapport d’évaluation est public, accessible en ligne en format ouvert et débattu au Parlement. Une « clause de revoyure » pourrait être recommandée par la commission mixte ;
  • Permettre aux citoyens de soumettre à discussion au Parlement une proposition de leur choix. Si la proposition suscite l’intérêt ou l’adhésion de l’assemblée, elle peut alors être transformée en décision formelle (proposition de loi, délibération), et être adoptée selon les formes réglementaires. Pour pouvoir être présentée aux institutions concernées, le texte ou la question doit recueillir au moins 5 % de signatures de l’électorat concerné français, par ailleurs réparties dans quatre régions sur treize pour une loi ;
  • Intégrer les citoyens pour la rédaction et le vote des propositions, en réformant la Constitution, à l’instar de l’expérience islandaise ou estonienne : mise en place d’une assemblée constituante mixte, élus et citoyens (par tirage au sort).

Sources :

Thématique 3 : Ouvrir et partager des ressources numériques

Diagnostic : Afin de favoriser l’innovation sociale, dans le sens de l’intérêt général, l’Etat doit proposer les moyens et les ressources nécessaires qui permettent à la société civile et aux citoyens de s’investir dans la co-construction de l’action publique. Voici des propositions pour des infrastructures numériques publiques ouvertes, souveraines et tournées vers le citoyen.

Objectifs : Des services 100 % numériques grâce à la signature électronique ; L’État renouvelle ses modalités de communication et d’information publique ; Former au « métier de citoyen » dans une démocratie ancrée dans l’ère numérique pour assurer l’égalité.

Propositions : Certaines propositions mentionnées dans le cadre de la thématique 1 « rendre des compte » sont susceptibles de s’appliquer dans la présente thématique. Nous proposons en outre de :

  • Proposer la quasi-totalité des services publics disponibles en ligne (avec quelques exceptions comme le mariage et le divorce).
  • Mettre en place la signature numérique à la naissance de tout nouveau citoyen, à partir de l’acte de naissance (sur la base du volontariat et de façon systématique).
  • Mettre en place une application de services publics qui pousse toutes les informations vers ses utilisateurs en fonction de leurs profils et intérêts qu’ils renseignent d’eux-mêmes.
  • Créer un catalogue exhaustif des applications publiques.
  • Créer un portail web unique pour donner de la visibilité aux différents dispositifs participatifs en place.
  • Inciter les municipalités à proposer des outils numériques de gestion des sinistres. Ce type de service de signalisation pourrait être étendu à d’autres champs de compétences de l’administration (espace vert, infrastructures publiques) et devenir plus largement une boîte à idée pour les collectivités territoriales.
  • Créer des « lieux citoyens », dédiés à l’innovation et la participation politique, pour permettre aux citoyens de proposer des idées, mais aussi accéder à l’information et aux données publiques.
  • Mettre en place une nouvelle série d’usages citoyens grâce au passage à la signature numérique, notamment en termes d’éducation à la citoyenneté.

Sources :

Thématique 4 : Ouvrir et transformer l’administration

Diagnostic : Pour accompagner l’ouverture et la transformation de l’administration, il est nécessaire de faire évoluer le paysage institutionnel et de former les agents de l’État à l’innovation afin d’accompagner les changements. En outre, la dimension locale est l’échelon pertinent pour constituer un véritable laboratoire d’expérimentation. En s’appuyant sur les outils numériques, il est possible imaginer et mettre en débat à ce niveau des actions qui pourront être développées par la suite à un niveau national. Voici des propositions concrètes en la matière.

Objectifs : Faire évoluer le paysage institutionnel pour accompagner les changements ; Former les agents de l’État à l’innovation ; Libérer les innovations territoriales par l’expérimentation.

Propositions : Certaines propositions mentionnées dans le cadre de la thématique 1 « rendre des compte » sont susceptibles de s’appliquer dans la présente thématique. Nous proposons en outre de :

  • Créer un Conseil de l’innovation démocratique (CID) qui s’appuie sur la CNDP, ETALAB et la DINSIC, rattaché au Premier ministre, et disposant d’une autonomie des moyens et des décisions ;
  • Acculturer les agents de l’État à l’innovation. Il existe déjà une offre de formation aux outils numériques, mais celle-ci, à elle seule, ne suffit pas :
    • Provoquer des occasions d’hybridation entre l’administration et le monde de la tech (start-ups, incubateurs, co-working, etc.) ;
    • Lancer un fond pour l’emploi d’experts en traitement de données dans la fonction publique. Un fond dédié à l’emploi d’ingénieurs experts de la donnée (data scientist) pour l’administration ;
  • Libérer le droit à l’innovation : transférer l’autorisation des expérimentations locales au niveau préfectoral, dans le cadre de leur constitutionnalité et des réglementions posées par l’État et par la loi ;
  • Encourager les territoires à innover par des incitations financières ;
  • Garantir un droit à l’innovation pour les citoyens : les citoyens pourront suggérer à leurs collectivités territoriales d’expérimenter telle ou telle proposition.

Sources :

Thématique 5 : Contribution libre

Diagnostic : Le numérique est une avancée démocratique extraordinaire en termes d’accessibilité à la connaissance, puisque nous n’avons jamais pu aussi facilement échanger et faire circuler nos idées. L’essor d’une liberté d’expression débridée grâce aux réseaux sociaux et des outils Civic Tech, etc. rend ainsi possible l’ouverture de la démocratie discursive de Jürgen Habermas. C’est-à-dire la participation éclairée et active des citoyens dans l’espace public et la décision politique. Il n’en demeure pas moins que pour que la démocratie discursive ou délibérative puisse être une réalité, il est nécessaire de former et d’équiper les citoyens de méthodes et d’outils pour parvenir à une éthique du débat réelle sans laquelle les débats sont tout sauf argumentés et s’enferment dans des invectives, injures et autres propos haineux que le format et l’immédiateté des communications électroniques ne font que faciliter et renforcer.

Objectifs : Former au « métier de citoyen » dans une démocratie ancrée dans l’ère numérique grâce à l’éducation scolaire.

Propositions :

  • Repenser l’apprentissage du numérique à l’école, en sortant de l’idée que le code pour tous est suffisant. Il est impératif que les élèves français acquièrent la compétence de lire, comprendre, analyser et manipuler des données, de la même façon qu’ils sont formés à la statistique aujourd’hui. Il est impératif de penser une instruction civique 2.0 qui intègre pleinement les enjeux de la citoyenneté à l’ère numérique.
  • Intégrer dans les cours d’instruction civique une sensibilisation aux enjeux numériques. Compréhension du monde informationnel qui nous entoure, la pluralité et la véracité des sources, de même que la capacité à argumenter et discuter à l’ère où Internet invite les individus à entrer en conversation avec l’autre avec intérêt et vigilance. Il importe de fournir des méthodes et des outils pour apprendre à chaque citoyen à participer de façon éclairée et constructive aux débats en ligne quel que soit l’espace numérique dans lequel ils prennent place.
  • Expérimenter de nouvelles manières d’enseigner et de pratiquer l’instruction civique. Dans cette perspective, l’Éducation nationale doit saisir des facilités pédagogiques offertes par le numérique : Youtubeurs scientifiques, MOOCs, outils pratiques d’éducation à l’esprit critique, serious games etc. Ces expérimentations permettent de pratiquer le débat démocratique et d’apprendre ses règles.

Sources :

Web émission « Démocratie : le réenchantement numérique ? »


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