Actualité 5 décembre 2013

Loi de programmation militaire : 3 arguments contre l’article 13

À l'approche de l'examen de la nouvelle loi de programmation militaire, mardi 10 décembre au Sénat, Renaissance Numérique s'inquiète du contexte dans lequel risque d'être voté l'article 13, dans une grande précipitation et sans véritable débat. Le think tank appelle, a minima, à amender ce texte pour aligner les protections des citoyens sur celles prévues par le régime d'exception mis en place en 2006, notamment sur les points de la conservation des données et du droit de regard et de contrôle de la CNCIS et du Parlement.

Sénat et Assemblée nationale votent, tour à tour, un projet de loi portant directement atteinte aux droits fondamentaux de chacun. Avec l’article 13 de la loi de programmation militaire, qui arrive en 2ème lecture au Sénat le 10 décembre, la France donne la possibilité à plusieurs administrations de demander en temps réel, l’accès aux données de connexion et aux contenus des citoyens, pour de larges finalités (de la criminalité, à la délinquance organisée), sans intervention du juge.

Et ce, en dépit des droits et libertés des citoyens.

Guillaume Buffet,

Président de Renaissance Numérique

"Nous aurions aimé que l'affaire Snowden soit un réveil pour nos Etats. Une déclic qui nous mènerait vers plus de transparence concernant l'accès des pouvoirs publics aux données personnelles. Au lieu de cela, PRISM a ouvert la course à la concurrence des Etats vers plus de surveillance - même quand celle-ci se fait dans des conditions contraires à nos principes démocratiques."

3 arguments selon lesquels il faut dire NON à l’article 13 de cette loi de programmation militaire

1. Parce que cette loi permet une surveillance accrue et généralisée des citoyens. Ainsi, elle réduit Internet à une zone où sont foulés aux pieds les principes démocratiques et la vie privée de chacun. D’une mesure d’exception (prévue initialement en 2006 pour un an), la nouvelle loi de programmation militaire veut mettre en place une règle généralisée, allant plus loin dans les mesures de surveillance mais plus avare en termes de garantie des droits, de recours et de transparence.

2. Parce que ce n’est pas parce qu’une loi s’appelle « programmation militaire » qu’elle doit mettre tout le monde au garde-à-vous ! Les acteurs de l’Internet, les garants administratifs et associatifs de défense des droits et libertés informatiques doivent être entendus. Les corps intermédiaires doivent prendre la parole pour interpeller les citoyens afin qu’ils expriment leurs craintes au législateur.

3. Parce que la loi permet d’accéder aux données de connexion et aux contenus dans des conditions déjà déclarées anticonstitutionnelles par le Conseil constitutionnel en 2011. À cette époque, le Conseil constitutionnel avait censuré l’article 14 de la loi LOPPSI 2, rappelant :

  • que les traitements de données doivent être autorisés au cas par cas, par l’autorité judiciaire, dans le cadre d’une enquête déterminée – or le  juge est absent de cette nouvelle loi de programmation militaire
  • que les données enregistrées doivent avoir une limite de conservation, or cette limite est absente de la nouvelle loi de programmation militaire.

3 amendements à porter à cette loi – a minima !

1. Aligner la loi de programmation militaire en examen au Parlement sur le régime d’exception mis en place en 2006, en conservant son caractère provisoire et en définissant strictement les contenus accessibles. Dans l’état actuel des discussions, le projet de loi accroît les pouvoirs de surveillance et appauvrit les droits des citoyens !

2. Remettre le juge au coeur de l’espace Internet, dans le respect de l’équilibre des pouvoirs. C’est la seule décision du juge qui doit permettre la mise sous surveillance, la collecte et la transmission des données du citoyen.

3. Dans le respect de l’équilibre des pouvoirs, toujours, octroyer au Parlement un droit de regard sur ces activités de surveillance et de conservation des données par l’administration. Ces activités doivent être sanctionnées dans un rapport annuel présenté par le gouvernement aux parlementaires.


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