Actualité 22 avril 2021

Lettre commune appelant à voter contre le règlement de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne

Alors que les membres du Parlement européen sont invités à se prononcer sur la Proposition de règlement relatif à la prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne le 28 avril 2021, Renaissance Numérique s'associe avec l'association Creis-Terminal, le CECIL, Globenet, Internet Sans Frontières, l'Internet Society France, La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’Homme, l'Observatoire des Libertés et du Numérique, le Syndicat de la Magistrature, le Syndicat des Avocats de France et Wikimedia France pour porter une lettre commune appelant les députés européens à voter contre la proposition de règlement.

LES ORGANISATIONS SIGNATAIRES

  • Creis-Terminal

  • CECIL

  • Globenet

  • Internet Sans Frontières

  • Internet Society France

  • La Quadrature du Net

  • Ligue des droits de l’Homme

  • Observatoire des Libertés et du Numérique

  • Renaissance Numérique

  • Syndicat de la Magistrature

  • Syndicat des Avocats de France

  • Wikimédia France

Mesdames les députées, Messieurs les députés,

Le 28 avril prochain, le Parlement européen est appelé à voter en deuxième lecture sur la proposition du règlement de prévention de la diffusion de contenus à caractère terroriste en ligne.

Ce texte, tel qu’il est rédigé aujourd’hui, permettrait aux autorités de n’importe quel État membre de l’Union européenne de demander à toute plateforme en ligne le retrait en une heure d’un contenu que cette autorité aurait considéré comme relevant d’un caractère terroriste.

Nous, organisations, syndicats et associations de défense des libertés, vous demandons de voter contre cette proposition.

En l’état, ce texte risque d’affaiblir nos droits et libertés fondamentales :

  • En donnant la possibilité à une autorité d’imposer aux services en ligne, sous la menace d’importantes sanctions, le retrait d’un contenu en seulement une heure, cette proposition risque de renforcer le développement d’outils de filtrage automatisé et de nuire ainsi gravement à la liberté d’expression en ligne ;
  • L’absence de tout contrôle judiciaire indépendant et le caractère possiblement transfrontalier des demandes de retrait pourraient mener à la censure d’opposants politiques et de mouvements sociaux.

Les dangers de ce texte ont été régulièrement dénoncés par de nombreuses organisations et institutions depuis sa présentation1. Récemment encore, 61 organisations européennes ont rappelé le risque qu’il posait et vous ont demandé, en tant que parlementaires, de le rejeter2.

Nous rejoignons leur appel et attirons tout particulièrement votre attention sur les contradictions de ce texte avec la décision du Conseil constitutionnel français du 18 juin 2020 sur la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur Internet telle que proposée par la députée Laetitia Avia3. Le juge constitutionnel y a notamment censuré une disposition semblable à celle prévue dans la proposition de règlement permettant à l’autorité administrative de demander à toute plateforme en ligne le retrait en une heure d’un contenu que cette autorité aurait qualifié de terroriste, sans le contrôle préalable d’un juge.

Le Conseil constitutionnel a notamment justifié sa censure du fait que l’appréciation du caractère illicite du contenu était soumise à la seule appréciation de l’administration, que le recours contre la demande de retrait n’était pas suspensif et que le délai d’une heure ne permettait pas d’obtenir une décision d’un juge avant le retrait du contenu. Il en a déduit que cette disposition constituait une atteinte à la liberté d’expression et de communication qui n’était pas adaptée, proportionnée ou nécessaire.

Aucune des dispositions prévues aujourd’hui dans la proposition de règlement européen ne vient rectifier la contradiction flagrante entre les exigences constitutionnelles françaises et l’obligation de censure en une heure au cœur du texte sur lequel vous êtes appelé(e)s à voter.

Nous vous demandons donc de respecter la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2020 et de rejeter ce texte contraire à nos droits et libertés fondamentales.


1 En décembre 2018, plus de 60 organisations demandaient déjà le retrait de texte. Plus récemment, le 3 novembre 2020, les rapporteurs spéciaux des Nations Unies ont ainsi alerté des dangers de ce texte pour les libertés fondamentales. 

2 Le 27 mars 2021, une coalition de 61 organisations européennes a demandé aux parlementaires européens de rejeter ce texte.

3 Conseil constitutionnel, Décision n° 2020-801 DC du 18 juin 2020.