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Les objets connectés sont sans aucun doute “le truc” du moment dans le numérique. Pas un jour qui passe sans l’annonce d’une nouvelle initiative dans ce domaine, d’un nouvel objet devenu « intelligent » grâce au numérique. Ce foisonnement de l’offre s’accompagne d’une multiplication des rapports, études et autres analyses qui prédisent un avenir radieux au secteur des objets connectés tant du fait de la multiplication du nombre d’objets que de l’engouement des consommateurs ou du potentiel économique qu’ils représentent (14,4 trillions de dollars d’ici 2022 d’après Cisco).
Il n’en fallait pas plus pour que les objets connectés deviennent un enjeu politique, donnant — enfin ! — à la France une opportunité de revanche après avoir perdu les premières manches de la bataille numérique. Ainsi, Axelle Lemaire a déclaré : “si la France a raté le train des grandes plateformes ‘over the top’ comme Google, Netflix ou Amazon, elle est en pointe sur les objets connectés”. Certains y voient même planche de salut pour une économie française en stagnation depuis trop longtemps. Faut-il croire à ces discours ?
Puisque le numérique est en train de “manger le monde”, il n’est pas étonnant qu’il s’attaque aussi à tous les objets qui nous entourent.
Le rajout de nouvelles fonctionnalités à ces objets ou l’amélioration de leur usage grâce au numérique sont des tendances logiques compte tenu des bénéfices attendus : mesurer ses performances, analyser les données générées pour améliorer notre vie quotidienne…
Comme souvent dans le numérique, ces évolutions sont permises par la baisse des prix des composants électroniques conjuguée à la concurrence accrue des acteurs faisant face à une demande en progression. Ainsi, le prix moyen des capteurs qui permettent de connecter un objet devrait ainsi baisser de 5% par an dans les prochaines années, et leurs ventes augmenter de 11,4% par an d’ici à 2019. À ce phénomène de baisse des prix vient s’ajouter celui d’une appropriation des techniques de production, grâce notamment à l’impression 3D permettant de réaliser plus facilement des prototypes et ainsi de raccourcir le processus de développement et de mise sur le marché. Ces deux facteurs conjugués stimulent l’innovation et entraînent la multiplication des nouveaux objets connectés, donnant lieu à un véritable concours Lépine pour savoir quel sera le prochain objet connecté.
On peut donc énoncer sans grand risque que tous les objets susceptibles d’être connectés d’une façon ou d’une autre (et pour lesquels cela présente un intérêt) seront effectivement connectés dans les prochaines années. Cette règle deviendra certainement un des principes fondamentaux de la transformation digitale, un peu comme la loi de Moore.
Alors qu’il n’en est qu’à ses débuts, le secteur des objets connectés fait d’ores et déjà l’objet d’une concurrence extrêmement forte, qui laisse présager que les “gagnants” de cette révolution ne seront peut-pas aussi nombreux que certains l’espèrent aujourd’hui.
Quatre catégories d’acteurs s’affrontent déjà sur le champ de bataille :
Cette concurrence déjà acharnée devrait empirer dans les prochaines années, sur un marché mondial envahi par les copies : avant même la sortie de l’iWatch d’Apple, plus de 40 fabricants s’étaient ainsi déjà lancé sur le marché.
Cette ultra-concurrence entraîne une baisse des prix inéluctable et un phénomène de « commoditisation » : les produits étant de plus en plus similaires, les consommateurs se basent uniquement sur le prix pour acheter.
Le “spectre du low-cost” guette donc déjà le marché des objets connectés, et même si le nombre d’objets connectés vendus va considérablement augmenter dans les prochaines années, il ne sera pas évident pour les fabricants de tirer leur épingle du jeu. Nike a d’ailleurs quitté le marché des objets connectés pour se concentrer sur le software et les applications.
Les objets connectés se situent aujourd’hui au sommet de la courbe de Gartner : le pic des attentes a été atteint. On n’a jamais autant parlé des objets connectés, et il n’y jamais eu autant d’attentes quant aux perspectives de ce marché.
Il est probable que l’on passe par une phase de “désillusion”, du côté des consommateurs qui ne percevront pas forcément l’intérêt de connecter certains objets et du côté des fabricants confrontés à une concurrence farouche et à des marges décevantes.
La route pour parvenir au « tout connecté » sera probablement longue et le nombre de gagnants moins élevé que ce que certaines publications nous laissent penser aujourd’hui. En attendant, les objets connectés permettent de tirer des leçons plus générale quant à la transformation digitale en cours :